La petite histoire derrière nos histoires
Quand nous avons décidé d’écrire un roman ensemble, nous avons immédiatement eu l’idée de mettre en scène un duo improbable, allez savoir pourquoi… ! Nous nous sommes alors dit que les amitiés homme-femme étaient peu traitées.
Comment compliquer cette amitié ? Et si l’histoire se passait pendant la ségrégation, aux États-Unis ? Nous vous rappelons que nous adaptons en français des dialogues de films anglo-saxons, pour la plupart américains. Autant dire que nous n’imaginions pas un autre décor que les USA.
Mais pourquoi une femme noire et un homme blanc, tous les deux pétris de préjugés sur l’autre communauté, allaient-ils prendre le risque de passer du temps ensemble ? Il leur fallait une bonne raison. Et si des petites filles noires disparaissaient ? Et si lui était détective et qu’il demandait à sa femme de ménage noire de l’accompagner pour lui ouvrir les portes de sa communauté ? Nous tenions l’intrigue de ce qui deviendrait Alabama 1963.
Que raconter ensuite, après le succès de ce premier roman ? C’est une jeune inconnue qui nous avait soufflé l’idée sans le savoir, au moment où nous commencions à travailler sur Alabama 1963. Nous l’avions prise en stop alors qu’elle allait rejoindre sa grande sœur. Après l’avoir déposée, nous nous sommes dit que c’était un bon point de départ pour un roman. Et si elle traversait carrément les États-Unis ? Quitte à faire un road trip… Et si cela se passait dans les années 1970 ? Ce qui nous évitait portables et GPS… Et si sa grande sœur était partie à Los Angeles pour devenir Playmate et que notre héroïne n’avait plus jamais eu de nouvelles ? Et si la petite faisait une partie de la route avec un jeune chanteur appelé à devenir célèbre ? Pourquoi pas The Boss himself, Bruce Springsteen ?
Ce serait l’occasion d’écrire un roman plus léger après la ségrégation et les disparitions d’enfants. L’occasion aussi de nous glisser dans la peau d’une petite fille et d’écrire « je » alors que nous étions deux hommes adultes.
Cette histoire, ce fut America[s]. Un roman sur la liberté. Avec, dès le départ, l’ambition de ne rien s’interdire.
Pour le troisième roman, nous souhaitions quelque chose de plus cosy, presque un huis clos, après notre road trip. Nous souhaitions aussi quitter les États-Unis pour ne pas être estampillés « auteurs français qui parlent de l’Amérique ». Le manoir anglais s’est imposé. Hanté, forcément, puisque la tante de Christian était médium et que la grand-mère de Ludovic faisait tourner les tables. Nous avions envie d’une belle histoire de fantômes.
Les personnages de Viviane et de George se sont dessinés peu à peu. Une préceptrice qui raconterait à un enfant des histoires qu’on ne raconte pas à un enfant. Un petit garçon aveugle et surprotégé. Deux solitudes qui se rencontrent. De grands sentiments et de l’humour. Beaucoup d’humour car ces deux-là auraient beaucoup de répartie et que le personnel du manoir ne serait pas en reste.
Voilà comment est né À l’ombre de Winnicott.
Un fil invisible relie nos trois romans. Nous ne l’avions pas vu tout de suite, mais il est là : l’émancipation, au mépris des règles établies et des préjugés. Chaque fois, nos personnages se libèrent, prenant le risque d’être eux-mêmes.
Nous nous en sommes aperçus bien après avoir terminé notre troisième opus. Comme si ce fil s’était tissé à notre insu.
Mais peut-être est-ce toujours ainsi que naissent les histoires.