Des romans personnels... à deux

Lorsque nous écrivons, nous n’avons pas l’impression de raconter nos vies. Et pourtant. À bien y regarder, tout y est. Des gestes, des souvenirs, des fragments éparpillés que l’on croyait oubliés et qui, sous notre plume, reprennent vie…

Pêle-Mêle de photos / Manchette-Niemiec

1. Pointe du Raz, 2019 | 2. Janvier 2023. Travail sur le plan de À l'ombre de Winnicott | 3. Yorkshire, Angleterre, juin 2024

Si Bud dans Alabama 1963 prend la peine d'ouvrir la portière à Adela, c’est parce que la portière de la voiture de Sébastien, le frère jumeau de Ludovic, était récalcitrante et ne s’ouvrait plus de l’intérieur, obligeant le conducteur à aller délivrer ses passagers lui-même. Ce détail, dérisoire en apparence, est resté. Il a traversé les années, il a traversé l’Atlantique, s’invitant dans la fiction.
De la même façon, si des enfants s'aventurent dans une casse, c’est qu'il s'agissait d'un des terrains de jeu préférés des petits Ludovic et Sébastien, et leurs copains.
Si le chien de Bud répond au nom de M’ame, c’est en clin d'œil au chien de leur oncle qui s’appelait Monsieur…
Si Gloria refuse de quitter son lit du jour au lendemain, c’est que la tante de Christian a décidé un beau jour qu’elle ne se lèverait plus car elle n’était nulle part aussi bien que dans son lit, à rêvasser.

Amy, dans America[s], partage nos propres interrogations, étonnements et observations d’enfants… et d’adultes.
Christian a eu une révélation, enfant : ses parents n’en savaient guère plus que lui et improvisaient au fur et à mesure.
Ludovic, lui, s’est toujours étonné de voir des gens s’abandonner au sommeil en public dans les transports en commun, comme s’ils avaient oublié qu’ils n’étaient pas dans l’intimité de leur chambre.
Il y a aussi Jack et Neal, bien sûr, jumeaux de papier qui font écho à Ludovic et son frère (notez que les prénoms Jack et Neal sont un hommage à Jack Kerouac et Neal Cassady).
Et puis, surtout, nous n’avons jamais compris ni l’un ni l’autre que l’on puisse commercialiser des yaourts à la cerise, ces yaourts toujours laissés pour compte, les derniers mangés chez les Manchette comme chez les Niemiec.

Dans À l’ombre de Winnicott, le père de Viviane est originaire d’un petit village du nom de Menaucourt, dans la Meuse, parce que c’est là qu’a grandi Ludovic, et la mère de Viviane est née à Landévant, dans le Morbihan, parce que la mère de Christian est née là.
George emprunte sa date de naissance, le 18 février, à Ludovic.
Comme nos personnages, Christian a longtemps ressenti des présences autour de lui, à tel point qu’il ne pouvait pas dormir dans le noir.
Lucille, qui craint que les lustres ne tombent, place des coussins dessous. C’est aussi ce que fait Christian quand la fatigue vient lui donner de drôles d’angoisses…

Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres.

Par ailleurs, nous nous sommes aperçus que nos romans accueillent toujours une veuve. Ce n'est peut-être pas un hasard, quand on sait que chacun de nous a eu une grand-mère devenue veuve bien trop tôt.

Surtout, nos romans traitent toujours de rencontres qui changent des vies. Sans doute parce que notre propre rencontre a changé les nôtres.

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