Quiz : êtes-vous incollable sur America[s] ?

J’avais aussi une sœur, avant.
Bonnie.

« Non, je suis pas perdue. Mais un type m’a volé tout mon argent. Douze dollars et quarante-huit cents… »

C’est Sandy qui avait écrit à Karen Carpenter, un jour. C’était sa chanteuse préférée. N’empêche qu’elle avait reçu une photo dédicacée « Salut, Sandy ! Peace & love, Karen Carpenter » ! Sandy disait que c’était ce qu’elle avait de plus précieux au monde. C’est pour ça que j’ai demandé à sa mère si on pouvait mettre la photo dans son cercueil, avec le disque qu’elle a pas eu le temps d’écouter.

Je sais jamais quoi répondre quand on me pose la question. Tout sauf la vérité. J’aurais trop peur que les gens se moquent. Parce que ce que je voudrais vraiment, c’est soigner les baleines. Sauf que quand je l’ai dit à mes parents, mon père a éclaté de rire. Lui qui rit jamais… Il m’a dit que c’était pas un métier, alors je sais plus trop. En tout cas, ce jour-là, je me suis juré de plus le dire à personne. Il y a que Sandy qui savait. Elle, elle voulait être chanteuse, alors c’était pas mieux.

Je prends « Tess d’Urberville » dans mon sac. Je commence à lire et ça me plaît bien, même si je saute quelques passages de description de paysages. Ce qui m’intéresse, c’est Tess et ce qui va lui arriver. Elle aussi, elle a un père un peu largué.

Le disque est terminé et on n’entend plus que le bruit du groupe électrogène et du saphir qui tressaute. Liza se lève pour arrêter la platine.
« J’ai vu un éléphant qui sortait de la brume. Il s’est avancé vers moi et il a planté son regard dans le mien. C’était vachement fort. »

Elle se met à chanter « Over the Rainbow », que chante Judy Garland au début du « Magicien d’Oz » :
« Sooomeday I’ll wish upon a star
And wake up where the clouds are far behiiiind meeee
Where troubles melt like lemon drops
Away above the chimney tops, that’s wheeeere youuuu’ll fiiiiiind
meeeeee »
C’est beau. Ça me donne la chair de poule.

J’étais encore jamais allée dans un drive-in et je suis excitée comme une puce. Jusqu’à ce que je découvre que ce soir, ils passent « La Barbe à papa », avec Ryan O’Neal. Normalement, je devrais être la plus heureuse, mais là, je donnerais tout pour repartir : c’est cette histoire que j’ai racontée ce matin au
petit déjeuner quand j’ai dit que j’allais tourner un film avec Ryan. J’avais lu le résumé dans un magazine. Je vais avoir l’air fine quand ils vont voir que ça parle d’un arnaqueur qui prend la route avec une petite fille… !

— La première fois qu’on a traversé les États-Unis avec Mad Dog…

— “Mad Dog” ? je demande.
— Vini, si tu préfères. Notre batteur. Le moustachu qui klaxonnait à la station-service.
— Pourquoi “Mad Dog” ?
— Tu comprendras bien assez tôt, me prévient Danny.
— Il est pas méchant, me rassure Bruce, mais il monte vite en régime.

Je me réveille quand j’entends des klaxons et des sirènes de police et d’ambulance. Ça commence à bouger et à discuter autour de moi, et des immeubles ont remplacé l’arbre : on est à Pittsburgh.

Le soleil commence à se coucher lorsqu’on s’arrête sur le parking d’une station-service à Flagstaff pour se dégourdir les jambes.

À une heure et demie du matin, j’étais au lit, dans une chambre de motel à Springfield.

Quelqu’un écoute un disque d’Elton John dans une autre pièce. « Your Song ». Bonnie l’avait aussi, celui-là. Elle me l’a laissé. En m’approchant, j’ai comme un doute. J’avance encore, la porte est ouverte et non, c’est pas un disque. C’est Elton John qui chante au piano ! Il a un costume en satin jaune, des grosses lunettes de soleil avec des strass et un boa mauve autour du cou. Quand il me voit, il me fait un petit
signe de la tête, pour me dire d’entrer. J’entre et je me rends compte qu’il y a une fille très grande avec lui, brune, les cheveux longs, appuyée contre le piano, de profil. Je me mets à côté d’elle.

À ce moment-là, qui je vois arriver ? Son amoureux à elle ! Lee Majors, l’acteur de « La Grande Vallée ». Il est habillé tout en blanc et tient par la main une grande blonde d’une beauté inouïe, tout en blanc elle aussi, avec un grand chapeau. Le mariage dans le jardin de l’hôtel ! C’était eux*.

* Le 28 juillet 1973, à l’hôtel Bel-Air, Lee Majors épouse une jeune actrice encore inconnue, Farrah Fawcett.