À l'ombre de Winnicott : genèse d'un roman

À l’ombre de Winnicott sort en format poche le 2 octobre 2025. C’est l’occasion pour nous de revenir sur la genèse de ce 3e roman…

À l'ombre de Winnicott

Au tout début, il y a l’envie de raconter l’histoire d’une maison nimbée de mystère car nous aimons des classiques du genre, comme Le Tour d’écrou, Jane Eyre ou Rebecca (d’ailleurs, nous avons signé la VF des adaptations au cinéma de ces deux derniers romans, en 2011 et 2020). Et parce que nous aimons aussi des films tels que Ghost, Sixième Sens, Les Autres ou L’Orphelinat, pourquoi ne pas aborder le thème de la vie après la mort, si propice à de belles histoires ?

Nous avions d’abord situé notre intrigue dans une pension de famille, aux États-Unis. Et puis en relisant les cent premières pages, après des mois et des mois de travail, nous nous sommes aperçus qu’il manquait quelque chose, mais nous ne savions pas quoi. Plutôt que de persévérer dans une histoire dont nous n’étions pas pleinement satisfaits, nous l’avons mise de côté avec l’intention d’y revenir un jour.

Nous nous sommes alors lancés dans l’écriture d’America[s]. Ce n’est que plus tard, alors que nous travaillions sur ce roman, que nous est venue l’idée du petit garçon aveugle. Ludovic a vécu pendant des années en face d’un institut pour non-voyants, ceci explique sans doute cela… Le potentiel de ce personnage nous a immédiatement frappés : les autres sens du petit seraient forcément surdéveloppés. Il allait ressentir une présence, mais une question demeurerait pour lui comme pour le lecteur : sa peur est-elle fondée ou le fruit de son imagination ?

C’est à peu près au même moment que nous avons eu envie de placer l’histoire dans un manoir anglais, pour s’inscrire dans la lignée des romans cités plus haut, et parce que cela nous permettait de quitter les États-Unis où se situent déjà nos deux premiers romans. Et puis si au départ nous trouvions amusant de placer une histoire de fantômes sous le soleil d’un état du sud des États-Unis (non, non, pas en Alabama… mais en Géorgie), nous nous sommes fait la réflexion que ce n’est pas par hasard si Henry James, Charlotte Brontë, Daphné du Maurier et tant d’autres ont choisi pour décor le Royaume-Uni. D’autant que l’humidité, la brume et la lande créent d’emblée une certaine atmosphère propice au mystère.

Des cent pages abandonnées, il ne reste rien ou presque dans À l’ombre de Winnicott : seule l’idée d’une grand-mère qui lisait des histoires affreuses à son petit-fils a refait surface. En effet, c’est ce personnage et cette courte scène qui ont donné naissance à notre préceptrice, Viviane Lombard, qui raconte de drôles d’histoires à son jeune élève, George. Rien d’autre n’a survécu, mais si ces cent pages (qui comptaient une dizaine de personnages, pas mal d’intrigues et des centaines de répliques) nous ont permis de créer Viviane, cela en valait la peine.

Pour l’anecdote, un autre personnage est né de ce roman avorté : Joan, la groupie de Bruce Springsteen dans America[s].

Il faut ajouter que c’est à la photographe américaine Vivian Maier que notre préceptrice doit son prénom et son excentricité. Nous avions découvert le travail en même temps que la personnalité intrigante de la nounou et artiste en 2013, à l’occasion de la première exposition qui lui a été consacrée en France, à Paris.

Pour la mère de George, nous avons imaginé tout l’inverse : une femme élégante, extrêmement soucieuse des apparences et du qu’en-dira-t-on. Lucille était née ! Quant au père de George, il allait « abandonner » femme et enfant pendant plusieurs mois. Puisque le roman parlerait du passé, pourquoi ne pas en faire un archéologue ? Ce serait un petit clin d’œil à Agatha Christie et à son deuxième mari, dont c’était la profession, même si nous avons donné à notre personnage le prénom du premier mari de la romancière, Archibald, Archie pour les intimes. C’était tout de même plus chic que Max. Encore que… si l’on songe au Maxim de Winter de Rebecca… Bref, ce serait Archie. Un archéologue obsédé par son travail, absent, même lorsqu’il serait présent…

C’est ainsi que se sont dessinés nos personnages principaux, auxquels s’est greffée une poignée de domestiques, dont deux sœurs, femmes de ménage, et une cuisinière, toutes les trois très drôles. Car il y a beaucoup d’humour dans ce roman, avec son côté pièce de théâtre par moments. Nous savions que le livre appartiendrait en partie au registre de la comédie et avions très tôt en tête quelques scènes assez cocasses, mais il nous faut bien avouer que nos personnages sont devenus plus drôles que prévu durant l’écriture.

Par ailleurs, les lecteurs nous parlent souvent de Downton Abbey pour le côté maîtres/domestiques, mais c’est davantage Les Vestiges du jour que nous avions en tête au moment de l’écriture, Ludovic n’ayant alors jamais vu la fameuse série.

Certains de ces personnages croient aux fantômes, d’autres non. Comme les lecteurs, finalement. Nous souhaitions écrire un roman qui s’adresserait aux deux publics, de la même façon qu’Alabama 1963 s’adressait autant aux amateurs de romans policiers qu’à ceux qui n’en lisent pas.

Le thème des fantômes nous a permis d’en aborder bien d’autres, comme la communication ou l’incommunicabilité (avec les morts mais aussi entre les vivants !), la solitude, les apparences, les croyances, la maternité, l’éducation… Autant de sujets sur lesquels nous avions envie de nous pencher. Ah, et qu’en est-il du nom de Winnicott pour le manoir, Winnicott Hall ? Vous êtes nombreux à nous poser la question. Nous sommes tombés dessus dans une revue, en titre d’un article sur le pédiatre et psychanalyste anglais Donald Winnicott, qui a beaucoup travaillé sur le lien mère-enfant et à qui l’on doit, entre autres, le concept de « mère suffisamment bonne ». En deux mots, si la mère est trop bonne, l’enfant aura du mal à s’en séparer ; si elle ne l’est pas assez, cela provoquera un sentiment d’insécurité qui perturbera aussi son développement. Or Lucille surprotège George. Ce à quoi tentera de remédier Viviane. Il faut préciser aussi que le nom « Winnicott » sonnait très bien, très anglais.

Au moment de choisir de nous lancer ou non dans l’écriture d’un roman, plusieurs critères entrent en ligne de compte : avons-nous envie de passer deux ans (ou davantage) avec ces personnages ? Dans cet univers ? Avons-nous quelque chose à dire sur ce sujet ? L’écriture de ce livre représente-t-elle un défi ? Son message nous ressemble-t-il ? Sur notre lit de mort, regretterons-nous de ne pas l’avoir écrit ? Dans le cas d’À l’ombre de Winnicott, comme de nos deux premiers romans, les réponses furent : Oui… Oui… Oui… Oui… Oui… Oui.

Ce n’est pas un livre de plus. C’est un livre de moins. Un livre de moins parmi ceux que nous regretterons peut-être un jour de ne pas avoir écrits.

Nous nous sentons extrêmement chanceux que ces personnages soient venus à nous. Les côtoyer durant ces deux années a été une joie et un privilège. Est-ce que d’autres personnages sauront autant nous amuser et nous émouvoir ? Nous l’espérons… En attendant, nous ne pouvons que vous conseiller de partir à leur rencontre.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter la fiche du livre et les premières pages du roman.

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A l'ombre de Winnicott

À l'ombre de Winnicott

Manchette-Niemiec

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